Steve Jobs
L’homme orchestre
Au sacro-saint culte que lui voue une meute acharnée, il convenait d’apporter la mesure nécessaire. Quatre ans après la mort de leur gourou, débarque Steve Jobs et avec, une furieuse envie de croquer la pomme. En se reposant sur Aaron Sorkin, déjà coupable de l’excellent The Social Network, Danny Boyle hérite d'un scénario particulièrement fourni et savoureux. Pour lui donner vie, le réalisateur peut compter sur le talent de son compositeur, Daniel Pemberton.
Ewan McGregor en peste encore, Danny Boyle n’a jamais été très fidèle, tant dans le choix de ses acteurs que de ses compositeurs. Une idylle de trois films avec John Murphy (28 jours plus tard, Millions, Sunshine), une autre avec A.R Rhaman (Slumdog Millionnaire, 127 heures) et beaucoup de one shot, d’Angelo Badalamenti à David Arnold en passant par Rick Smith. Cette frivolité adolescente n’est pas signe d’un manque de considération, bien au contraire, la musique est une composante majeure chez Boyle et Steve Jobs ne déroge pas à la règle.
Synthé bonheur
Découpé en trois actes, le film est à peu de chose près, une pièce de théâtre. Trois dates, trois lancements et à chaque fois, ces quelques minutes volées en coulisses, juste avant la montée sur scène. Une idée simple et brillante qui permet de renouveler l’excitation en imposant un rythme soutenu. Ce concept scénique, Daniel Pemberton se l’approprie au point d’ouvrir l’album par un morceau où les instruments s’accordent, comme c’est le cas avant le début d’une représentation, The Musicians Play Their Instruments.
À l’événement, au lieu ou à l’époque, Pemberton s’adapte et multiplie les styles avec une désarmante facilitée. La source d’inspiration première, c’est bien entendu Apple et cet univers électronique. Le synthétiseur est donc logiquement au cœur du process, qu’il s’agisse de singer l’identité sonore de la marque (It’s an Abstract), de s’inspirer de Vangelis (Change the World) ou de symboliser des relations fragiles, comme c’est le cas très subtilement dans Child (Father). Aux machines, le compositeur oppose l’homme, Jobs, chef d’orchestre de cette grande pièce. Un délirant mini opéra, en italien, The Circus of Machines, un Russian Roulette aux faux airs de Peer Gynt et le superbe I play the Orchestra, réponse directe à l’ouverture.
Au milieu de tout ça, Revenge, morceau central du film, illustration d’un échange génial et shakespearien entre Steve Jobs et John Sculley, son ancien directeur. Neuf minutes orchestrales haletantes magnifiquement contrebalancées, la scène suivante, par le pop et sucré The Skylab Plan. Peu importe la face, le Steve Jobs de Pemberton est une réussite, une réponse musicale à la démesure du personnage. « What do you do ? », invective son comparse, Steve Wozniak, cofondateur d’Apple, dans une conversation musclée. Réponse, « I play the Orchestra ».
Steve Jobs, bande originale de Daniel Pemberton, disponible sur toutes les plateformes et à l’écoute sur notre radio.