Aladdin
Prince sali
Pour beaucoup, Alan Menken renvoi au premier émoi, un baptême, perché sur les rehausseurs rouges d’un cinéma de quartier. La Petite Sirène, La Belle et La Bête, Pocahontas, Le Bossu de Notre Dame, autant de films qui irrémédiablement, six mois après la sortie, atterrissaient dans la gueule de nos magnétoscopes fatigués.
Dix, quinze, vingt fois nous avons revu ces madeleines, jusqu’à en connaître la plus petite réplique, le moindre souffle. Dans cet olympe figure en bonne place Aladdin, au ton unique, mélange de romance, d’exotisme et d’humour ciselé. Il fallait donc que ce bel équilibre se retrouve malmené dans une adaptation live, spécialité Disney. Sans surprise, l’expérience se révèle castratrice pour Guy Ritchie, aux abonnés absents. Pas d’artifices habituels, de son travail restera une scène de séduction façon Bollywood, direction brève mais novatrice. Point fort de l’animé, la galerie de personnage frôle ici la catastrophe, entre un Iago aussi vain que laid et un Jafar insipide. Tout a changé donc, pour le pire. Enfin, presque tout, puisque la musique, elle, est toujours l’œuvre d’Alan Menken.
Voix de garage
Avant d’évoquer plus en profondeur la composition, difficile de faire fi des chansons, éléments incontournables du film original et de sa version live. Sans doute là notre principal grief. Comme sur La Belle et la Bête, un an plus tôt, Disney cède à la facilité et persiste à étouffer la sincérité et la magie des voix à grands coups d’Auto-Tune. Rien ici de la folie contagieuse du génie ou de la pureté d’Aladdin, présentes dans les versions française et anglaise de 1992. Tout juste un poil de douceur et de magnétisme chez Naomi Scott (Jasmine). Bien maigre butin.
Et Menken alors ? Retravailler une composition écrite trente ans plus tôt, l’exercice n’amuse pas vraiment le musicien. L’orchestration limpide et intelligente, au diapason d’une animation épurée, laisse place à un score beaucoup plus massif et rentre-dedans, à la mesure de ce spectacle criard. The Cave of Wonders, passage clé des deux albums, permet de mesurer le fossé réel entre les partitions. Là où la finesse de l’instrumentation permettait de refléter les différentes facettes de la caverne (tantôt menaçante et mystérieuse, tantôt splendide et dangereuse), tout semble désormais lissé, en sourdine, étouffé par des percussions incessantes. Pire, la richesse thématique fait même défaut et plus rien ne semble vraiment à sa place.
La véritable nouveauté, c’est cette couleur exotique que l’on retrouve par bribes (The Wedding, The Basics) influencée par le cinéma indien et sa trace dans l’imaginaire collectif. Sans surprise, la meilleure scène hérite d’ailleurs du meilleur morceau, Harvest Dance, délire dansant, parfaitement chorégraphié. Une esquisse de ce que pouvait donner Aladdin libéré du carcan de l’animé. Un peu court. En bref, « des pouvoirs cosmiques phénoménaux, dans un vrai mouchoir de poche. »
Aladdin, bande originale d’Alan Menken, à retrouver en physique chez Walt Disney Records.