Mademoiselle
Émancipation musicale
Esthétique, rigoureux, pensé et pourtant jamais calculé, difficile de résister au souffle chaud de Mademoiselle, dernier-né du sud-coréen Park Chan-wook. Là où la beauté chirurgicale de l’image aurait pu casser l’érotisme du récit, le réalisateur sublime au contraire chaque geste, chaque regard, par une mise en scène brillante, portée par deux actrices étonnantes et superbes. La bande originale ne dénote pas, loin de là, c’est l’une des plus belles de 2016 et comme souvent chez Park Chan-wook, elle est signée Jo Yeong-wook.
Proche ami du réalisateur et collaborateur privilégié depuis Joint Security Area, Jo Yeong-wook habille avec une profonde intelligence Mademoiselle, film basé sur le roman saphiste de Sarah Waters, Du bout des doigts. Une information loin d’être anodine puisque l’émancipation féminine, qu’elle soit sexuelle ou sociale, charpente le cœur de l’histoire mais aussi de la musique.
Une palette simple
L’histoire se déroulant en majeure partie dans un environnement cloisonné, Jo Yeong-wook se tourne naturellement vers une formation restreinte, renforçant ainsi le caractère intimiste du film. De la musique de chambre, une idée logique, fallait-il encore y penser. Piano, flûtes, cordes, hautbois et idiophones, la palette est simple, nul besoin d’esbroufe pour donner chair à Mademoiselle.
Si les 38 morceaux de l’album ont de quoi effrayer, pas de triche ici ni de pistes inutiles. Quelques dialogues accompagnent avec grâce la sensualité de la composition, pour le reste Jo Yeong-wook s’exprime dans un langage souvent épuré. Une simple flûte sur une nappe de cordes (My name is Sookee), une introduction à la harpe rappelant le Fargo de Carter Burwell (She’s beautiful, Quite the charmer) mais aussi des pistes plus oppressantes (Bounds of knowledge, She’s totally illiterate) voire dissonantes (Shall we play maid, I was going a bit crazy back).
Pourtant brillante, toute cette simplicité ne semble là que pour mieux servir le lyrisme des morceaux clés, reflet de l’émancipation de nos héroïnes. Une émancipation d’abord sous-jacente et délicate sur l’ouvertureThe tree from Mount Fuji, ensuite magnifique et boulversante dans la tempêteThe wedding et enfin apaisée dans Sea of bells, avant dernière piste de l’album. Trois morceaux, voilà un crochet trop bref pour sonder la richesse musicale de Mademoiselle, élégant et captivant voyage de Jo Yeong-wook, miroir parfait d’un des plus jolis films de ces derniers mois
Mademoiselle, bande originale à retrouver en numérique sur toutes les plateformes.