Doctor Strange
Cape et cap
Après avoir replongé ses paluches délicates dans le cambouis de l’Enterprise, Michael Giacchino s’imaginait déjà conclure 2016, au chaud, emmitouflé sous la cape du bon vieux Stephen. Raté, le voilà qui rempile aussi sec pour boucler vitesse lumière le score de Rogue One, promis à l’origine à Alexandre Desplat. Une occasion de terminer l’année par une bande originale un peu plus audacieuse que ce Doctor Strange, qui, malgré d’indéniables qualités reste un poil convenu.
Histoire de calmer tout de suite la meute affamée, Doctor Strange n’est pas mauvais, loin s’en faut. D’ailleurs, quelle est la dernière composition de Giacchino pouvant être affublée d’un pareil adjectif ? En vérité, difficile de ne pas se réjouir de trouver un tel compositeur dans l’univers formaté Marvel car hormis le Ant-Man de Christophe Beck, les dernières B.O de la franchise avaient plutôt tendance à nous faire bâiller d’ennui.
Derrière Stephen Strange plane l'ombre de Star Trek
Avec Doctor Strange, le postulat est un peu différent, le film est bon. Au contraire des insipides Avengers, Scott Derrickson offre un univers suffisamment riche et singulier pour permettre à son compositeur d’expérimenter de nouveaux terrains. Et à ce jeu, Michael Giacchino se montre un chouïa frileux, l’album laissant en bouche un petit goût de déjà-vu.
C’est la principale réserve. Derrière la mélodie de Stephen Strange, l’ombre de Star Trek n’est jamais très loin, entrainant une certaine confusion et la sensation d’un cœur un peu paresseux. Le thème en est la cause bien sûr mais peut-être encore plus sa construction et son développement. Et malheureusement c’est sur les deux premières pistes que la ressemblance est surtout frappante. Les voix et les cordes d’Ancient Sorcerer’s Secret nous rapprochent sérieusement du thème développé pour la saga d’Abrams quand le piano de The Hands Dealt nous ressert une variation type Thank Your Lucky Star Date, morceau phare d’un Star Trek Beyond sorti deux mois plus tôt. À partir de là, difficile de chasser cette impression de réchauffé.
Pourtant, en parallèle, Doctor Strange regorge de bonnes idées. Il y a d’abord l’utilisation jouissive du clavecin qu’on retrouve disséminé un peu partout, dans Mystery Training, The True Purpose of the Sorcerer, Hippocratic Hypocrite et surtout l’excellent Go For Baroque. On passe également du bon temps avec le sitar et quelques surprenantes distorsions sonores (A Long Strange Trip). Mais la grande baffe de l’album, c’est sans aucun doute The Master of the Mystic End Credits, un final enfonçant enfin clairement l’univers psychédélique du personnage. Le mélange improbable et délicieux clavecin-sitar-guitare électrique, voilà qui donne une couleur propre et unique à ce Doctor Strange. Une rampe de lancement idéale pour une suite qui gagnerait à se dépêtre d’un certain classicisme.
Doctor Strange, une bande originale à retrouver sur notre radio et en physique chez Marvel Music.